Quelle destinée réservée au continent Africain bondé de pays en transition ?

Article : Quelle destinée réservée au continent Africain bondé de pays en transition ?
Crédit: Pixabay
2 mai 2023

Quelle destinée réservée au continent Africain bondé de pays en transition ?

Depuis quelques années, les coups d’État se multiplient en Afrique. Plusieurs pays se trouvent dans des chamboulements constitutionnels et des transitions sans fin. Entre conflits armés, manifestations sanglantes et promesses chimériques, le pauvre africain possède t-il encore ce droit de rêver d’un continent fastueux ?

Les coups d’État sont contagieux. Un coup d’État réussi augmente considérablement la probabilité de coups d’État ultérieurs, dans ce pays comme dans ses voisins.
En moins d’une année (entre avril 2021 et janvier 2022), plusieurs régimes politiques cramponnés au pouvoir en Afrique ont été renversés par des militaires (cinq coups d’État réussis en huit mois) qui dirigent désormais ces pays.

Depuis leur indépendance, crises après crises, coups d’État après coups d’État, la plupart des États africains n’ont rien fait d’autre que de s’accrocher, sans aucune justification rationnelle, à ces systèmes d’hommes forts qui ont favorisé la corruption et la mauvaise gouvernance des affaires sociales, économiques, politiques et sécuritaires. Il n’est donc pas surprenant, les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Des calendriers non-respectés et des transitions perpétuées

Le Mali,le Tchad, le Soudan ainsi que plusieurs autres pays africains sont aujourd’hui dirigés par des gouvernements de transition. Ceux-ci ont professé leur volonté d’organiser des élections présidentielles dans les meilleurs délais pour un retour des civils au pouvoir. Mais dans les trois cas, le respect des calendriers initiaux semble poser problème.

Le Mali

Coups d'État
Ibrahim Boubacar Keïta. Crédit photo : flickr

Lorsque les militaires ont évincé le président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020, la junte avait adopté une charte qui stipulait que la transition durerait dix huit- mois, lesquels devraient être suivis d’élections. Cela aurait conduit à des scrutins au début de l’année 2022.

Mais, seulement neuf mois plus tard, en 2021, après le premier coup d’État, un second coup d’État est commis par la même junte avec à sa tête le colonel Assimi Goyta qui fera arrêter le président de transition Bah N’Daw et son premier ministre Moctar Ouane.

Les assises nationales de refondation organisées du 11 au 30 décembre dernier ont recommandé une transition d’une durée de six mois à cinq ans.

Le Tchad

Coups d'État
Mahamat Idriss Deby Itno. Crédit photo : Gueiper photographe

Au Tchad, le décès du président Idriss Déby Itno en avril 2021 a propulsé son fils Mahamat à la tête d’un conseil militaire de transition de quinze généraux qui avaient abrogé la Constitution, dissout le parlement et limogé le gouvernement. Mais il avait aussitôt promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections libres et démocratiques après une transition de dix-huit mois renouvelable une fois, censée se terminer le 20 octobre dernier.
Un dialogue national inclusif et souverain a été organisé. Ce dernier a conduit à l’adoption de la résolution concernant l’éligibilité du président du conseil militaire de transition et la prolongation de la transition pour vingt-quatre mois.

Le Soudan

Coups d'État
Mohammed Hamdan Dagalo. Crédit photo : Moussé Tahir

Le 11 avril 2019, l’armée a destitué le président soudanais après plusieurs mois de contestation. A l’origine de la colère populaire : la hausse du prix du pain. Une colère qui a rapidement pris pour cible le chef de l’Etat au pouvoir depuis 1989 et prêt à briguer un troisième mandat en 2020. Un gouvernement intérimaire d’unité dirigé par le Premier ministre Abdallah Hamdok a été mis en place. Cependant, en octobre 2021, les militaires ont pris le pouvoir lors d’un coup d’État et ont accepté de transférer l’autorité à un gouvernement dirigé par des civils, un accord formel étant prévu pour le 6 avril 2023. Cet accord a été retardé en raison des tensions entre les chefs militaires rivaux, le général Abdel Fattah al-Burhan et le général Mohammed Hamdan Dagalo, respectivement président et vice président du Conseil de souveraineté transitoire.

Le 15 avril 2023, des affrontements éclatent dans tout le pays, principalement dans la capitale Khartoum et dans le Darfour.
Les affrontements commencent lorsque les Forces de soutien rapide lancent des attaques contre des sites clés du gouvernement. Des frappes aériennes, des tirs d’artillerie et des tirs nourris ont été signalés dans tout le Soudan.

Les affrontements persistent jusqu’à l’heure actuelle et l’on dénombre plus de 750 civils tués et 5000 gravement blessés ainsi 700000 déplacés.

Les acteurs internationaux ne parviennent pas à faire respecter les normes relatives aux coups d’État

Les coups d’État sont enfin de compte des calculs froids des avantages par rapport aux coûts. Les avantages sont fabuleux : pouvoir et accès limité aux ressources de l’État. L’attrait d’un coup d’État, par conséquent, existera toujours. Les inconvénients potentiels: échec ou emprisonnement, sont probablement considérés comme gérables pour des acteurs militaires sans contraintes sous une organisation civile. En bref, ceux qui montent des coups d’État le font parce qu’ils pensent pouvoir s’en tirer à peu de frais.

En effet, les acteurs internationaux jouent un rôle essentiel dans la validation des coups d’État en Afrique. En traitant les coups d’État comme des moyens malheureux mais normaux de transférer le pouvoir en Afrique, les acteurs internationaux donnent par inadvertance aux putschistes un coup de pouce pour franchir la ligne d’arrivée et consolider leur putsh. L’augmentation récente du nombre de coups d’État en Afrique reflète une diminution de la volonté des acteurs régionaux et internationaux de faire respecter les normes anti-coups d’État en Afrique. Le fait qu’aucun des cinq récents coups d’État n’a été fermement condamné montre à suffisance l’aboulie des acteurs internationaux à limiter les coups d’État en Afrique. Ces derniers facilitent alors de près ou de loin l’implantation des putschistes. Ce qui prépare la voie à d’éventuels coups d’État.

Cette situation est le résultat d’une confluence de facteurs, notamment une récession démocratique régionale, une inclinaison des organismes régionaux à négocier des compromis avec les putschistes, une réticence à organiser des interventions militaires et la distraction des acteurs internationaux par les crises internes et la pandémie, entre autres.

Les coups d’État répétitifs ne signifient pas la fin de la démocratie en Afrique

Coups d'État
Crédit photo : Pixeles

S’il est tentant d’interpréter la vague de coups d’État comme une preuve de la mort de la démocratie en Afrique, ce serait une erreur. Même dans les pays où un coup d’État a eu lieu, une majorité de citoyens souhaite vivre dans une démocratie et rejette les régimes autoritaires.
L’Afrique peut récolter et récolte effectivement un dividende démocratique. Le problème se pose lorsque des dirigeants supposés démocratiques commencent à utiliser des stratégies antidémocratiques pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de leur peuple.
Cela devient clair si l’on va au delà des gros titres pour se demander pourquoi certains des récents coups d’État ont été publiquement célébrés ?
Des sondages ont révélé que le soutien à la démocratie s’élève à 77% en Guinée, 70% au Burkina Faso et 62% au Mali. Une preuve supplémentaire que les citoyens ont soutenu l’intervention militaire dans l’espoir qu’elle ouvre la voie à une forme plus efficace de gouvernement civil, et non par ce qu’ils aspirent vivre sous un régime autoritaire.

Comment les acteurs démocratiques internationaux peuvent-ils atténuer les coups d’État ?

Drapeau de l’Union africaine peint sur un mur de briques. Crédit photo : iStock

L’action la plus significative que la communauté démocratique internationale puisse prendre pour inverser la tendance des coups d’État en Afrique est d’encourager la démocratie. Les gouvernements africains qui s’engagent à respecter et à faire respecter les pratiques démocratiques devraient mériter un soutien diplomatique, une aide au développement  et à la sécurité et une promotion des investissements privés beaucoup plus importants.

Si la vague de démocratisation de l’Afrique des années 1990 et 2000 a été menée par des réformateurs nationaux, il existait des inclinaisons internationales claires à l’adaptation des normes démocratiques. Les acteurs démocratiques internationaux doivent s’engager à nouveau à respecter ces normes en adoptant une position plus unifiée pour soutenir l’opposition aux coups d’État.
Cet effort diplomatique doit engager activement l’Union africaine et les communautés économiques régionales, qui ont chacune leur propre charte de la démocratie. Une grande partie de la réaction publique et de la coordination des réponses internationales à un coup d’État se fait par le biais de ces organismes régionaux. Si les institutions régionales africaines condamnent clairement un coup d’État, il est beaucoup plus facile pour la communauté démocratique internationale de se rallier à cette position.

Le revers de la médaille des mesures incitatives en faveur des démocraties africaines est la nécessité d’imposer systématiquement des coûts réels aux putschistes. Ceux qui prennent le pouvoir de manière extralégale ne doivent pas être reconnus. L’aide financière et l’allègement de la dette doivent être suspendus.
Les autocraties africaines sont responsables de plus de 75% des conflits, des migrations forcées et des crises alimentaires du continent. Si l’Occident veut contribuer à endiguer le flux de ces forces déstabilisatrices, il doit se faire le champion de la démocratie en Afrique.
C’est n’est pas pour rien que la communauté internationale a largement œuvré à l’élimination des coups d’État dans la période de l’après-guerre-froide. Le même raisonnement persiste. La question est de savoir si les acteurs internationaux se souviennent du scénario ?

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