Tchad : la culture entrepreneuriale dans les programmes scolaires pour résorber le chômage des jeunes ?

Article : Tchad : la culture entrepreneuriale dans les programmes scolaires pour résorber le chômage des jeunes ?
Crédit: Gueiper photographe avec accord
3 avril 2023

Tchad : la culture entrepreneuriale dans les programmes scolaires pour résorber le chômage des jeunes ?

Chaque année, près de 170.000 jeunes tchadiens en âge de travailler arrivent sur le marché de l’emploi. Et bien que l’Etat soit le plus grand pourvoyeur d’emploi, il ne peut néanmoins à lui seul contenir tous ces jeunes. A cet égard, n’est-il pas judicieux d’orienter les jeunes vers les initiatives entrepreneuriales ? Comment s’y prendre ?

Aujourd’hui, le chômage des jeunes devient une préoccupation majeure. Au Tchad, d’après la Troisième Enquête sur la Consommation et le Secteur Informel au Tchad (ECOSIT3), le chômage est estimé à 22%. Quant au sous-emploi, il est à 35% de la population active occupée. A cela s’ajoute une forte croissance démographique, estimée annuellement à 3,6%, entraînant une forte progression des jeunes à la recherche d’emploi.

Selon le plan national de développement (PND) de 2017 à 2021, 51% de la population tchadienne a moins de 15 ans. Cela est un atout qui mérite d’être exploité pour l’épanouissement de la jeunesse et permettre aussi au secteur privé de jouer pleinement son rôle de porteur de croissance d’emplois et de richesse.

L’entrepreneuriat, la solution miracle

De nos jours, dans un pays comme le Tchad où l’intégration à la fonction publique est un véritable combat, l’entrepreneuriat devient la panacée. C’est la solution miracle privilégiée par les décideurs politiques et par les jeunes eux-mêmes. Il est alors important et même impératif d’orienter les jeunes vers l’entrepreneuriat.

De même, il faut noter que l’émergence du secteur privé constitue une opportunité de création d’emplois et de croissance. Et selon la formule célèbre d’Adam Smith, dans son livre intitulé La richesse des nations, la recherche par les hommes de leur intérêt personnel mène à la réalisation de l’intérêt général. Cela suppose que le privé joue un rôle capital dans le développement d’une nation. De ce fait, l’encouragement des initiatives privées notamment dans le domaine de l’entrepreneuriat constitue un facteur de développement socio-économique indispensable.

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Un groupe de jeunes au sortir d’une formation en entrepreneuriat. Crédit photo : Moubarak avec accord.

Les tchadiens n’ont pas la culture d’entreprendre

Les tchadiens ne possèdent pas la culture entrepreneuriale, ce qui est une dimension culturelle en tant qu’ancienne colonie française. Ces derniers ont tendance à croire que ceux qui travaillent dans l’administration publique sont ceux qui ont réussi dans leur vie. L’école est la seule voie pour construire un avenir radieux. Ainsi, la plupart des jeunes sont attirés par l’intégration à la fonction publique ou à une institution étatique, para-étatique ou privée. Les universitaires pensent que dès qu’ils termineront leurs études et obtiendront des diplômes, ils trouveront immédiatement un emploi convenable et stable.

Cependant, ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’au cours de la recherche de travail, ils seront amenés à mettre en œuvre plusieurs compétences, un savoir-faire qui leur est particulier ou encore des connaissances pour réaliser un projet professionnel et atteindre l’objectif fixé.

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Sanoune Brahim en interview.
Crédit photo : Mahamat Alhadj Ali

Hélas ! Rares sont ceux qui aspirent à créer leurs propres entreprises alors qu’il est possible de mettre sur pied une entreprise et s’épanouir, et ce, même sans diplôme.

C’est le cas de plusieurs lycéens interrogés dont Sanoune Brahim Sossal, élève en classe de Seconde au Lycée Scientifique La Renaissance. Ce dernier affirme qu’il part à l’école c’est pour que dans l’avenir, ces études lui permettront d’occuper un grand poste et qu’il sera invité à la télé car il deviendra très riche.

L’entrepreneuriat demeure novice au Tchad

Au Tchad, l’entrepreneuriat reste encore peu exercé, peu expérimenté. Le Tchad regorge de beaucoup d’opportunités que les jeunes peuvent exploiter en créant des entreprises dans des domaines aussi variés. S’il faut parler du fait que les tchadiens n’ont pas le réflexe d’entreprendre, il faut aussi reconnaître que cela est dû, en partie, à l’insuffisance d’accompagnements, d’orientations et de sensibilisations des jeunes dans la culture entrepreneuriale. C’est aussi dû à l’absence d’une communication de long en large non seulement sur les avantages de l’entrepreneuriat mais aussi sur le fait qu’on peut entreprendre, même avec zéro franc, car l’idée est déjà un capital. Aussi, le système éducatif tchadien est moins orienté vers l’entrepreneuriat. Ce qui ne favorise ni l’épanouissement des jeunes ni la lutte contre le chômage.

Quelques actions jouent leur partition

Quelques actions menées en faveur des jeunes méritent quand même d’être saluées. En effet, le financement récent de projets de 50.000 jeunes, l’organisation des assises comme le forum panafricain de la jeunesse en 2017 à Ndjamena et les différentes éditions de « Tchad Talents » ou de la semaine mondiale de l’entrepreneuriat sont à saluer et à encourager. Ces initiatives constituent une opportunité pour valoriser le capital humain des jeunes afin de les aider à mieux entreprendre mais aussi pour édifier l’Etat tchadien dans sa quête permanente de lutte contre le chômage.

Une autre action tendant à encourager les initiatives entrepreneuriales est celle de l’Institut supérieur de commerce d’administration des Affaires et de Management (ISCAM) qui exige aux étudiants en fin de premier cycle de rédiger un mémoire sous forme de Business Plan ou plan des affaires. Le cas du Centre technique d’apprentissage et de perfectionnement (CTAT) qui contribue, entre autres, à l’auto-emploi des jeunes, mérite aussi d’être apprécié. Les actions qu’entreprend la Chambre de Commerce, la Maison de la petite Entreprise (MPE), le Conseil National de la Jeunesse Tchadienne (CNJT), le Conseil National Consultatif des Jeunes (CNCJ) sont à saluer sans oublier l’intégration d’une filière d’entrepreneuriat dans les différentes universités publiques et privées. En outre, des plateformes comme WenakLabs, Chad innovation,… jouent leur partition.

Une taxe zéro ?

Afin de favoriser l’épanouissement de la jeunesse et permettre au secteur privé de jouer son rôle de porteur de croissance, d’emplois et de la richesse, il convient de mener les actions qui suivent. En effet, la première action à mener consiste à sensibiliser les jeunes sur les avantages de l’entrepreneuriat. Et cette sensibilisation se fera notamment par le biais de la création des sites web, l’organisation des émissions Radio et TV. Ensuite, il paraît important d’introduire l’entrepreneuriat dans le système éducatif.

S’agissant du soutien aux initiatives entrepreneuriales, il serait également intéressant d’accorder des exonérations spécifiques aux entrepreneurs. Par exemple, instituer la taxe zéro pour les cinq premières années en vue de permettre l’installation des nouveaux entrepreneurs.

Pour encourager les initiatives entrepreneuriales, il faudrait aussi décerner des prix, des distinctions aux réussites dans le domaine de l’entrepreneuriat. Il paraît également opportun d’identifier les catégories des jeunes qui nécessitent un soutien immédiat comme le cas des brevetés des lycées et collèges techniques industriels qui méritent un accompagnement en vue de leur permettre de créer leurs propres entreprises.

Le rôle de l’État

L’État pourrait envisager par le biais de partenariats, la création d’un périodique dédié à la proposition d’idées tendant à développer les entreprises.

Un accent particulier devrait être mis sur la jeunesse rurale tchadienne quant à l’encouragement des initiatives entrepreneuriales par le biais du financement et de la sensibilisation.

Par ailleurs, il n’est pas sans objet de s’inspirer de l’expérience des pays qui ont, entre autres, misé sur l’entrepreneuriat, pour favoriser le développement économique et social. A ce niveau, les progrès enregistrés par le Togo sont à féliciter et explorer. En effet, 12.592 entreprises ont été créées en 2020 au Togo. En 2021, rien que pour le premier trimestre, 4.087 entreprises o nint été créées (dont 1104 par les femmes). Ceci revient à dire qu’il faut œuvrer davantage sur tous les aspects liés à la création d’entreprise.

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Commentaires

VEÏVRA IYE DARFINE NOËL
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Bravo cher compatriote! Si seulement les autorités tchadiennes pouvaient se pencher sur ce brillant billet pour alléger la galère de la jeunesse... En vérité, la jeunesse doit changer de mentalité. L'école n'est pas synonyme d'emploi. Les diplômes ne riment pas avec la richesse. Les parents et le système éducatif doivent initier les jeunes aux activités pratiques dès le bas âge. Une fois de plus bravo et merci pour cet article.

Mahamat Alhadj Ali Mahamat
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Merci beaucoup pour le compliment. C'est vraiment très gentil de votre part.